jeudi 25 décembre 2014

VII. Histoire de L'Emergence des Religions


A. Introduction :

Dans ce billet, nous allons étudier l'approche dans le Coran de l'histoire des religions et la place des croyances au fil du temps telle qu'elle y est présentée. Le Coran présente la religiosité comme une nature première, innée et conçoit la religion comme un système de rites évoluant dans le temps et dans l'espace.

B. La Croyance une Nature Humaine :

B-1. Nature Première Religieuse :

فَأَقِمْ وَجْهَكَ لِلدِّينِ حَنِيفًا فِطْرَةَ اللَّهِ الَّتِي فَطَرَ النَّاسَ عَلَيْهَا لَا تَبْدِيلَ لِخَلْقِ اللَّهِ
(Cor. 30:30)
"Maintiens ta face envers la religion des gentils, nature dont dieu a pourvu les hommes. Point d'altération dans l'oeuvre de dieu."


Le Coran présente dans ce verset l'homme comme un être naturellement enclin aux croyances, intuition apparemment évidente qui semble acquise de façon réfutable : son cerveau fonctionne en associant spontanément idées et événements, le poussant en effet à systématiquement élaborer des systèmes de croyances. Fait moins aisément acceptable : paradoxalement, les modèles et théories scientifiques-mêmes n'échappent pas à ce mécanisme neuro-cognitif. Or, il est bien impossible pour l'homme de se détacher pleinement de tout système de croyances plus ou moins vérifiable ou réfutable, même avec une application rigoureuse de sa part. Et ce de par la structure et le fonctionnement de son cerveau. Le cerveau étant constitué d'une centaine de milliards de neurones devant se coordoner pour aboutir à l'émergence d'une illusion d'être une entité homogène. Un tel processus nécessitant une perpétuelle interprétation des signaux émanant de chacun des milliards de neurones pour y adapter un sens intelligible ; processus qui s'étendra selon le même principe à la perception du monde extérieur, le condamnant ainsi à perpétuellement interpréter tout se qui se présente à ses sens.


B-2.Souris en Cage : Expérience de Pensée.

Faisons une expérience de pensée. Imaginons une souris dans une cage en verre, où une roue est placée, ainsi qu'un mécanisme qui fait tomber une graine quand la roue est actionnée dans un sens précis par la souris. La souris faisant tourner la roue et voyant tomber la graine. Pour elle, c'est le fait d'actioner la roue qui produit la graine. Elle ignore le mécanisme conçu à son insu : la seule chose qu'elle sait étant la chute de la graine suite à son action sur la roue. Pareillement, un homme entièrement sauvage comme celui du paléolithique devrait concevoir un vent qui le pousse ou bouscule un arbre comme une entité, et pouvoir le craindre au même titre qu'un tigre par exemple.


B-3. Energie Vitale, Puissances Naturelles et Esprits :

L'homo sapiens serait apparu il y a environs 150.000 ans. Au paléolithique, il devait considérer spontanément les forces de la nature comme des entités, au même titre qu'un animal, le soleil qui frappe ou le tonnerre, de même sans doute que chez nombre d'hommes plus anciens. Il n'en avait aucune notion scientifique et devait avoir une conception très spontanée et intuitive du monde. Une trace très intéressante de telles croyances se révèle manifestement à travers les rituels funéraires : enterrement des défunts avec des armes ou des ustensiles pour manger. Il ressort de cette pratique que ceux-ci croyaient que les morts dorment et peuvent se réveiller. Les voir en rêve devait leur sembler être si réel qu'ils ne devaient pas douter que l'âme des défunts subsistait dans un autre monde. De même, de l'avis unanime des anthropologues, aux temps de ces premiers hommes, les objets usuels du quotidien avaient toujours une fonction pratique, car la notion purement esthétique ne se revèlera que relativement tardivement. Or, un pendentif de vénus daté vers -250.000 ans a été retrouvé à Berakhat Ram, qui témoigne du transport d'une statuette de femme : sans doute dans l'espoir d'être protégé des forces de la nature et peut-être favoriser l'abondance ou le don de la vie dans le clan : un précurseur de la notion de dieu d'avant l'heure.

Pendentif de Vénus, vieux de plus de 150.000 ans qui témoigne de la plus ancienne trace de la vénération d'une mère protectrice primitive.


C. J'ai Parachévé Pour Vous Votre Religion En ce Jour :

الْيَوْمَ أَكْمَلْتُ لَكُمْ دِينَكُمْ وَأَتْمَمْتُ عَلَيْكُمْ نِعْمَتِي وَرَضِيتُ لَكُمُ الإِسْلاَمَ دِينًا
(Cor. 5:3)
"Aujourd'hui j'ai parachevé pour vous votre religion, et achevé pour vous ma grâce : j'ai agréé pour vous l'islam comme religion."


C-1. L'Elaboration de la Notion de Dieu :
Parler de monothéisme pour le paléolithique n'a pas de sens, car même le mot dieu n'existe en tout bon sens pas encore. Le vocabulaire sans doute très pauvre (pensons au nombre de mots chez des tribus archaïques actuelles) et l'absence d'écriture ne permet pas encore l'élaboration d'une théosophie sophistiquée. La vénération de la Vénus de Berekhat Ram est donc la plus ancienne trace d'un culte très simpliste d'une mère protectrice de la fertilité du clan. Mais sans doute, les forces de la nature sont considérées comme des entités au même titre que les animaux, le soleil, les éclairs... Il apparait que la vénus de Berekhat Ram devait protéger le clan des forces de la nature hostiles.



Un chaman faisant un oracle, et une pipe sacrée qui servait à envoyer un culte universel des êtres rampant sur terre, des êtres ailés du ciel et des humains à Wakan Tanka, au douxième ciel. Une autre forme de monothéisme précolombienne des indiens Sioux.


C-2. Premières Traces de Religiosité :

L'animisme et le chamanisme sont des formes sans doute des plus archaïques de la religiosité humaine. Les rochers ont un esprit, les montagnes aussi, la notion de dieu n'est pas toujours présente ou demeure souvent vague dans les religions naturelles actuelles à travers le monde.


C-3. Notion de Polythéisme et Naissance du Monothéisme :

قُلْ سِيرُوا فِي الْأَرْضِ فَانظُرُوا كَيْفَ كَانَ عَاقِبَةُ الَّذِينَ مِن قَبْلُ كَانَ أَكْثَرُهُم مُّشْرِكِينَ
(Cor. 30:42)
"Dis : parcourez la Terre, et voyez quel a été la fin de ceux qui vous ont précédé : la plupart était polythéiste."


Le polythéisme apparait relativement tardivement dans l'histoire avec des rites et des cultes envers des entités de plus en plus marqués, tandis que leur démographie grimpe lentement. Les vénus qui devaient représenter la déesse mère faisant office d'un moyen de transmission des cultes d'une génération à l'autre ont progressivement évolué vers l'adoration des statues-mêmes devenant non plus des objets incantatoires mais l'objet du culte voué, alors qu'avec la vénus de Berakhat Ram il semblerait qu'il s'agissait d'un genre d'instrument de magie devant protéger le clan. Ainsi lentement, des statues d'idoles apparaissent, témoigant d'une forme archaïque de polythéisme, avec dès l'aparition de la sédentarisation de monuments religieux de plus en plus prodigieux.

Les traces de polythéisme évolueront progressivement à leur tour vers ce que nous nommons du monothéisme, les idoles seront abandonées et les divinités considérées comme dans l'hindouïsme comme autant de manifestations d'une même essence divine en lutte en elle-même pour établir l'équilibre cosmique et éthique. Il existera malgré du polythéisme la notion d'un ou d'une démiruge dans toutes les civilisations. A mesure de l'évolution du langage, et de la capacité d'abstraction et avec l'invention de l'écriture, le monothéisme dans le sens moderne apparaitra finalement parallèlement à la structuration de l'univers mental des hommes. En Egypte Antique, chaque divinité adorée représentera une seule et même divinité, et l'hénothéisme sera une forme archaïque de monothéisme avant l'heure.


Avec l'apparition de l'écriture, les religions se sophistiquent. Ci dessus, une planche du Livre des Morts d'Ani, et la Torah en rouleau...


C-4. Abraham et Le Dieu Créateur Ea Résidant à Ur :


فَجَعَلَهُمْ جُذَاذًا إِلَّا كَبِيرًا لَّهُمْ لَعَلَّهُمْ إِلَيْهِ يَرْجِعُونَ
(Cor. 21:58)
"Il les mit en pièces, hormis [la statue] la plus grande. Peut-être qu'ils reviendraient vers elle."


(Cor. 6:76-79) : "Quand la nuit l'enveloppa, il observa un astre (Vénus), et dit : "Voilà mon Seigneur !" Puis, lorsqu'elle disparut, il dit : "Je n'aime pas les choses qui disparaissent". Lorsqu'ensuite il observa la lune se levant, il dit : "Voilà mon Seigneur !" Puis, lorsqu'elle disparut, il dit : "Si mon Seigneur ne me guide pas, je serai certes du nombre des gens égarés". Lorsqu'ensuite il observa le soleil levant, il dit : "Voilà mon Seigneur ! Celui-ci est plus grand" Puis lorsque le soleil disparut, il dit : "Ô mon peuple, je désavoue tout ce que vous associez à Dieu. Je tourne mon visage exclusivement vers Celui qui a créé les cieux et la terre; et je ne suis point de ceux qui Lui donnent des associés."



Abraham a selon ce verset rejeté les dieux secondaires en faveur du dieu créateur résidant à Ur, exacerbant l'hénothéisme régnant chez eux.


Le Coran décrit le personnage d'Abraham comme rejetant les dieux du Soleil, de la Lune et de Vénus. Dans ce récit, nous trouvons Abraham faisant semblant d'adorer Vénus, la Lune et le Soleil (Nanna, Utu et Inana) et finalement revenir au dieu créateur (Anu/Ea/Enki). Cela constitue un indice consolidant l'historicité du patriarche. De même, la présentation du panthéon comme hiérarchisé avec un dieu suprême créateur (Ea) est historiquement fondé pour la région à l'époque suggéré dans les écritures saintes.

Il semble que la démolition des idoles à l'exception de la plus grande constitue un artéfact de la ferveur d'Abraham envers le dieu créateur résidant à Ur au détriment des divinités secondaires. Or, il est également acquis que la religion sumérienne était hénothéiste. En sorte que le culte était dédié au dieu local par cité. Ainsi, il apparaît dans ce récit qu'Abraham dérangé par la place des anunakis et des igigis attribuait une place privilégiée à Ea, qui n'est pas sans rappeler phonétiquement le nom de Yah qui semble pouvoir être un artéfact biblique du nom d'origine du dieu d'Abraham, Ea devant probablement se prononcer Hay(h), soit "vie" ou "exister". Initiant peut-être une nouvelle approche religieuse, parallèlement à l'évolution sémiologique et sémantico-cognitive de la notion de dieux. Refoulant les anunakis et igigis ancestraux à une fonction de puissances (ma'lak) au service du dieu céleste (El). Constituant semble-t-il un tournant des plus marquants faisant glisser l'hénothéisme, vers une forme de monothéisme, caractéristique depuis l'élaboration de la notion de divinité par les hommes.


C-5. L'Apogée du Monothéisme :

Les prophètes d'Israël seront en quelque sorte des sortes de chamans très influents, faisant des oracles, prophétisant avec une intensité de plus en plus impressionnante dans un concours de circonstances socio-politiques très tourmentés. Ainsi, dans le judaïsme archaïque des débuts, YHV sera considéré comme une divinité propre au peuple élu, qui leur interdira de vénérer les dieux étrangers. Mais il sera encore longtemps nommé Abba (père) et les hommes enfants, une trace d'archaïsme découlant de la difficulté langagière à déterminer l'idée de dieu plus abstraitement.

Le monothéisme évoluera ainsi progressivement, à mesure du perfectionement sémantico-cognitif de l'humanité, vers un concept d'unicité de plus en plus marqué et caractéristique. Le judaïsme progressera vers un monothéisme de plus en plus poussé. Or, pas tant qu'en islam, où même l'usage symbolique de la notion d'enfants de dieu sera finalement abandonné. Muhammad pourra alors être inspiré : "Aujourd'hui, j'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. J'ai agréé l'islam comme religion pour vous..." (Cor.5,3).




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